Barbara FONTYN

Barbara FONTYN

Enseignante agrégée d’anglais, lycée Henri Martin (02100 Saint Quentin)

Vers une “révolution sexuelle”?: l’accès aux méthodes de contrôle des naissances en Angleterre (1918-1967)

Résumé: 

L’objectif de cette thèse en civilisation britannique sera d’analyser les raisons pour lesquelles la société britannique est passée d’une méfiance, voire d’un refus pur et simple de la contraception à une acceptation ainsi que les stratégies mises en œuvre par les protagonistes pour arriver à une telle avancée (adoptions de Abortion Act et Family Planning (NHS) Act en 1967). Il sera aussi question de démontrer le lien étroit existant entre l’acquisition d’un nouveau statut social, politique et économique pour la femme et la prise en charge de sa santé reproductive. L’aspect révolutionnaire de la pratique de la contraception ; c’est-à-dire comment le contrôle des naissances a changé le visage de la Grande-Bretagne, sera également abordé.

La volonté de contrôler la fécondité est d’abord envisagé comme un sujet privé – au sein du couple – puis devient public – avec une incitation des autorités à la natalité ou bien un encouragement à des méthodes de ralentissement de celle-ci, au gré des événements nationaux et internationaux. L’accès aux méthodes anticonceptionnelles peut être considéré comme un reflet de certaines inégalités sociales : les classes privilégiées pouvant se procurer l’information et les moyens, soit la théorie et la pratique, de manière plus aisée que leurs pendants prolétaires. Il apparaît pourtant clairement que le déclin démographique amorcé à la fin du XIXe siècle touchait toutes les strates de la société pour diverses raisons ; les uns souhaitant conserver un certain statut social et les autres désirant une amélioration de leurs conditions de vie.

Dans le cas britannique, dès le XVIIIe siècle, des intellectuels comme Robert Malthus et Adam Smith firent une certaine promotion du contrôle des naissances, l’économiste écossais y voyait un moyen pour les familles démunies de sortir de leurs difficultés tandis que le révérend anglais le considérait comme bénéfique pour l’avenir de l’espèce humaine et sa subsistance. L’empreinte des préceptes de Robert Malthus fut à la fois significative et critiquée, notamment au XIXe siècle par les néo-malthusiens Charles Knowlton, Robert Dale Owen… Ces derniers appuyaient l’usage des méthodes de contrôle des naissances pour échapper à la pauvreté et préserver la santé des mères et des enfants et mirent aussi l’accent sur la notion de plaisir sexuel, concept passé sous silence jusque-là.

Ces deux idées-clés forgèrent également la philosophie de Marie Stopes, une des pionnières du contrôle des naissances en Angleterre, et son combat qui débuta dès la fin de la guerre : permettre à toutes les femmes d’avoir accès aux méthodes de contrôle des naissances. Les premières décennies du XXe siècle marquèrent un véritable changement dans le statut de la femme. Le concept de ‘New Woman’ émerge pour comprendre plusieurs aspects : le statut de citoyenne capable de faire valoir son opinion grâce au vote, celui de travailleuse dont la force de travail n’est plus à démontrer depuis la guerre, celui de mère dont la santé doit être préservée. En parallèle de ces nouveaux droits et statuts, la femme semble prendre possession de son corps ; notamment grâce au développement des cosmétiques, de l’hygiène féminine… Cette prise en main du corps de la femme se manifesta aussi dans ses aspects les plus intimes puisque certaines militantes, comme Stella Browne, revendiquaient le droit universel des femmes à la contraception et à une maternité choisie et non subie, réclamant ainsi une réforme des lois sur l’interruption volontaire de grossesse. Malgré un certain engouement et quelques initiatives prises par le gouvernement (comme la création de centres de santé mères-enfants), trois institutions majeures et encore largement masculines du pays expriment leur opposition ferme à la contraception : la politique, la religion et la médecine.

L’acquisition généralisée du savoir de la contraception ne s’est pas faite sans mal puisque des résistances sociales et politiques sont apparues, ralentissant la diffusion des connaissances et les initiatives. Cependant, divers événements se déroulant à partir de l’entre-deux-guerres vinrent modifier les points de vue des différents acteurs impliqués. Des prises de position en faveur de l’acceptation de la contraception comme celle du juge MacCardie en 1931 ou de Lord Dawson of Penn, médecin personnel du roi, le changement d’opinion de l’Eglise d’Angleterre pendant la conférence de Lambeth de 1930, la création de Abortion Law Reform Association en 1936, le jugement prononcé en 1938 l’affaire Bourne constituent autant d’événements initiés par des individus ou des groupes d’individus qui auront un impact plus que conséquent sur la société et les institutions dirigeantes. De plus, les constats de la Commission Royale sur la Population en 1949, et plus tard les progrès scientifiques permettant la mise sur le marché de la pilule contraceptive en 1960, le scandale de la Thalidomide en 1961 ainsi que l’émergence d’une nouvelle génération de députés, plus jeunes et plus progressistes, permirent le façonnage d’une nouvelle société, plus égalitaire en termes de contrôle de la fécondité, tournant définitivement le dos à l’époque victorienne.