Programme de recherche démarrant en 2018.
Les thématiques retenues pour le programme sont les suivantes « Radicalisme religieux, spiritualités alternatives, irréligion » (sous-thème A) ; « Religion, politique et mouvements sociaux » (sous-thème B).
Le premier sous-thème « Radicalisme religieux, spiritualités alternatives, irréligion » (cordonné par Nathalie Caron) conduira plus spécifiquement les chercheurs de l’équipe et leurs associés à s’intéresser aux formes qu’a pu revêtir la religiosité au fil des siècles en dehors de la matrice chrétienne dominante, et ce depuis le XVIIe siècle. La recherche pourra couvrir aussi bien la contestation individuelle et collective des Eglises et des spiritualités établies — pour se pencher sur les marges, les dissidences et les hétérodoxies —, que l’édification de spiritualités alternatives et la manifestation de courants de libre pensée, athées ou non. Le programme visera à clarifier certaines questions épistémologiques et sémantiques dans le contexte anglophone, notamment autour des expressions « libre pensée », « spiritualité alternative », « spiritualité nouvelle », mais aussi des termes « déisme », « athéisme », « scepticisme », autant de notions qu’il convient aujourd’hui de penser dans leur diversité. Il visera aussi à historiciser les évolutions sociologiques du fait religieux que l’on observe aujourd’hui dans nos sociétés post-modernes en phase de sécularisation. Les travaux porteront surtout sur la Grande Bretagne et sur les Etats-Unis, territoires ancrés dans la culture protestante qui se sont révélés particulièrement propices à l’expérimentation religieuse, mais ils porteront plus largement sur l’espace atlantique, d’une part, sur le monde anglophone, d’autre part. Il s’agira en effet de mettre en évidence les dynamiques circulatoires intellectuelles, culturelles et de personnes, et ainsi d’échapper à une vision euro ou américano-centrique. L’objectif est de contribuer à une vision globalisante, « provincialisée » et dé-christianocentrée de l’histoire religieuse des territoires concernés.
Le second sous-thème « Religion, politique et mouvements sociaux » (coordonné par Pierre Lurbe) vise à une réflexion sur les processus de politisation et de sacralisation, et sur leur lien avec les processus de sécularisation. Il s’agira de considérer les évolutions des configurations théologico-politiques aux époques moderne et contemporaine dans le monde anglophone. Les travaux porteront notamment sur l’articulation entre religion, politique et rapports sociaux, qu’ils soient ethniques, de genre ou de classe. Ce thème se décline de plusieurs façons complémentaires : d'une part, il s'agira de réfléchir aux corrélations entre les positions religieuses et les orientations politiques d'acteurs clés de la modernité, tant en Grande-Bretagne que de l'autre côté de l'Atlantique (on peut penser à William Penn, mais aussi à la vaste galaxie des « déistes anglais », ou prétendus tels), pour dresser une cartographie fine d'un champ que la notion en vogue de “Lumière radicales” (Margaret Jacob, Jonathan Israel) ne suffit pas à caractériser. D'autre part, on s'intéressera, sur un autre plan, à ce genre spécifique de la production historiographique que sont les histoires de l'Eglise d'Angleterre, qui répondaient à une exigence simultanément religieuse et politique : il fallait en effet à la fois de justifier l'existence d'une Eglise distincte de Rome comme des églises dissidentes et fonder la légitimité politique d'une Eglise d'Etat appelée à incarner la nation anglaise. La dimension américaine sera bien entendu intégrée, car la situation de l'Eglise d'Angleterre dans l'Amérique coloniale d'abord, puis pendant la période révolutionnaire et aux débuts de la République, pose en termes particulièrement aigus la question de l'identité nationale et politique d'une Eglise si profondément marquée par ses origines anglaises.
Qu’il s’agisse du sous-thème A ou B, un intérêt particulier sera porté à la place des femmes dans les mouvements sociaux à dimension religieuse. Aussi une partie des travaux s’attachera-t-elle à réfléchir sur l’articulation entre mobilisation et religiosité, en particulier en ce qui concerne les féminismes, y compris conservateurs. Il sera ainsi question, notamment, de chercher à désinvisibiliser les femmes dans l’histoire de la libre pensée et des spiritualités alternatives, en tout cas de proposer des hypothèses pour saisir les raisons de leur invisibilisation, exclusion, absence.
Le programme s’inscrit en partie dans une veine historiographique récente se développe à l’écart d’une approche christianocentrée faisant du christianisme le pivot de toute expression religieuse ou spirituelle. L’approche conduit à penser l’autonomie des formes religieuses et le principe d’influences mutuelles ou de combinaisons, mais aussi les liens serrés entre religion et culture. D’une certaine manière, le programme s’intéresse à la religion comme culture, de façon à chercher à rendre compte des processus de sécularisation et des phénomènes extra-institutionnels qui se manifestent aujourd’hui.
Le programme Questions religieuses se trouve adossé au séminaire du groupe Culture et religion en pays anglophones, organisé en collaboration avec l’équipe TransCrit (Transferts critiques anglophones) de Paris 8, co-organisé par Rémy Bethmont (directeur de TransCrit) et Nathalie Caron.